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La pertinence de la psychanalyse pour l’IA

Paris, le 19 juin 2022, par Michel HANSER

La communauté des psychanalystes est par nature peu encline à sortir des cabinets, ouatés et confortables. Toutefois, lorsqu’elle investit des champs qui lui sont extrinsèques, elle est souvent un outil important qui permet un regard amendé sur une discipline. Nous fûmes deux psychanalystes à nous consacrer aux soins palliatifs à ses débuts (au milieu des années 1990), et fûmes remerciés une dizaine d’années plus tard par le Président de la République pour le mouvement engagé. La psychanalyse n’est pas
une science, tout comme la médecine, c’est un art, qui procède fondamentalement d’observations cliniques et de statistiques. Depuis la fin du XIXème siècle, elle mit au point des concepts, qui sont autant de cristallisations de savoir, autant de savoirs. Certains se sont glissés dans le langage courant, tels la castration ou le lapsus, d’autres sont moins connus, telles la perlaboration ou l’introjection. Ces concepts se révèlent être des curseurs permettant décision, ou prévenant contre d’inévitables erreurs. Ces concepts révèlent, au sens où l’entend la photographie, des situations en dévoilant leur envers (des contenus a priori inaccessibles, à l’instar de l’inconscient, et qui détiennent des explicitations tangibles).


L’introduction de cobots dans l’industrie automobile dans les années 2014, est passée par différentes phases (amélioration de productivité, fatigue des salariés due à de nouveaux rythmes, absentéisme, révolte, ajustement). Un paradigme tel le travail du deuil (que l’on sait passer par cinq grandes étapes, déni, colère, marchandage, dépression, acceptation) rend tangible à l’explication le processus engendré par l’introduction de nouveaux éléments dans un milieu humain et vécu tel un deuil (de collègues définitivement et avantageusement remplacés). Non pas que la psychanalyse eut pu prédire précisément le devenir d’une entité industrielle, mais elle permet d’être alerte et de corriger réactivement une situation, de prévenir des biais ultérieurs, de panser adroitement des plaies menaçantes.


Je crois réellement que ce qui fut nommé « psychanalyse appliquée » et condamné par les puristes de la discipline peut offrir de véritables atouts en matière d’organisation du travail, du savoir, de la recherche, d’applications à grande échelle. Le maniement de ses concepts peut induire des réflexions prophylactiques, et prémunir contre des biais cognitifs, des erreurs aux conséquences fâcheuses sinon funestes. L’une de ses cartes maitresses réside dans l’observation clinique fine des humains, la complexité de son savoir mettant à nu les erreurs découlant d’un simplisme réducteur de l’Homme (induite par un discours du « tout-scientifique ») très souvent à l’oeuvre chez les concepteurs d’Intelligence Artificielle (une entreprise telle Facebook, puissante et riche de grosses unités de recherche, se mord les doigts d’avoir omis la prise en compte de paramètres fondamentaux tels le paradoxe profond ou l’ambiguïté dans la prise de décision de l’usager).


Voilà les raisons de cette pertinence, proposant en réalité aux acteurs du monde des Nouvelles Technologies un regard qui est nourri de millions d’heures d’observations cliniques et de centaines de milliers de pages de travaux inhérents.


La psychanalyse s’est elle-même façonnée par des apports extérieurs, le courant des lacaniens a fondamentalement fait l’exégèse de travaux issus de la linguistique, la mathématique, l’anthropologie structurale, la topologie, la philosophie et bien entendu la littérature; d’où ses succès. Je crois que les succès à venir de l’Intelligence Artificielle seront conditionnés à ses importations et incorporations de champs disciplinaires exogènes.

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